Que peut le design pour qu’on se mette (enfin) à lire les études ?
Que peut le design pour qu’on se mette (enfin) à lire les études ?
— T’as lu la dernière étude du GIEC ?
— Bien sûr ! Enfin “lu”…, je l’ai vu passer quoi…
ONG, Agences nationales, think-tank, entreprises… Toutes sortes d’organismes produisent quantité d’études et rapports, en particulier pour répondre aux grands enjeux écologiques et sociaux. On est nombreux à en saisir l’importance, mais qui les lit vraiment ? De bon cœur ? La plupart dorment paisiblement dans les méandres du web, attendant d’être exhumé par un passant, une journaliste, un chercheur.
Il y a bien sûr plein de raisons. Mais il y en a une qui nous concerne et nous saute aux yeux : la forme et le design.
Et il ne s’agit pas de critiquer ici le choix de couleurs ou d’images mais avant tout le format. D’après une étude complètement biaisée réalisée par nos soins, 99% des études ont la même forme : un PDF A4 à télécharger. Avec, au mieux, une belle image en couverture.
Un rapport du sénat ? D’une ONG ? D’une agence nationale ? Toujours ce maudit PDF A4…
Le PDF, ce format en carton
Le PDF est-il vraiment un format numérique ?
Bon d’accord il s’affiche sur écran mais en vérité il continue de reprendre les codes du papier avec son organisation en pages et son côté ultra figé. Le PDF nous plonge en plein anachronisme.
C’est un format intermédiaire, auquel on devrait seulement “faire étape” avant d’imprimer. Mais le fait est qu’on ne l’imprime souvent pas et qu’on y passe en fin de compte beaucoup (trop) de temps.
Et est-ce qu’on aime lire des PDF sur un écran ?
Oooh là là….
Mobiles, passez votre chemin
Plongeons un peu plus dans ce désastre ergonomique.
Nous naviguons désormais sur le web davantage sur mobile que sur ordinateur. Mais le PDF se moque de l’actualité, des usages et des technologies. D’abord, le bougre ne s’affiche pas directement dans votre navigateur mobile comme sur ordinateur. Il faut donc le télécharger et savoir s’y prendre pour l’ouvrir et le retrouver dans vos dossiers.
Aux personnes qui parviennent à franchir ce premier obstacle, le PDF réserve son défi peut-être le plus corsé : la lecture. Eh oui, le PDF fait partie de ces rares formes numériques rigides au point de ne pas s’adapter à la taille de l’écran. À la différence du format web, il n’est pas “responsive”.
Seuls quelques virtuoses du doigté sur petit écran viendront à bout de la lecture.
Zoomer, déplacer, zoomer à nouveau.
Si les études sont faites pour être lues, pourquoi diable les mettre dans un format d’impression alors que personne ne les imprime ?
Le calvaire des versions
rapport-complet.pdf, rapport-synthèse.pdf, rapport-décideurs.pdf, rapport-english.pdf, rapport-français.pdf…
Une même étude se décline bien souvent en deux, trois, quatre… X versions, toujours en PDF. Autant de documents statiques qu’il faut télécharger.
Sur une page web il suffirait juste d’ajouter un bouton “voir plus” pour afficher des détails, ou un autre pour en choisir la langue et voir le contenu apparaître sous nos yeux.
Gravé dans le marbre
Et il y a pire.
Une coquille, ou une info manquante dans un texte ? Erreur courante qui ne pose aucun problème sur un site web administrable. Avec le PDF, par contre, on s’en mord les doigts. On rappelle le graphiste encore et encore pour chaque correction. Et nous sommes bien placés pour vous dire que ce genre de micro modifs peuvent s’avérer coûteuses en temps et en argent pour chacune des parties.
Dans le monde du PDF : la moindre virgule oubliée = un nouveau fichier.
Ou bien, seconde option : on bricole soi-même, on essaie d’importer, quitte à amocher une composition travaillée.
Et si vous souhaitez produire une nouvelle étude à la mise en page quasi identique que les années précédentes ? Vous devrez repasser inéluctablement par votre prestataire ! Nouvelle prestation, nouvelle facture, nouvelle dépense…
Au final le PDF n’est pas praticable (hum hum). Si vous n’avez ni le fichier d’origine, ni les compétences ou ni le logiciel de mise en page, alors vous êtes probablement dépendant d’un prestataire ou d’une personne qualifiée.
Copier, coller, enregistrer
Lire une étude c’est aussi pouvoir en enregistrer ou partager les morceaux. Mais le contenu d’un PDF se laisse bien mal partagé.
Celles et ceux qui ont déjà essayé de co-
pier-coller un bout de paragraphe com-
prendrons.
Les mots gardent leur mise en page sta-
tique, leurs cou-
pures etc.
Et qu’en est-il des images ? Et bien c’est à peu près la même chose. À part faire une capture d’écran de piètre qualité vous n’avez pas beaucoup d’options.
Bon, arrêtons là le massacre vous avez compris.
Comment se fait-il qu’un format si dépassé soit pourtant si présent ? Certes il possède d’autres avantages comme l’archivage par exemple (bien que le papier soit de loin bien meilleur), mais en ce qui concerne les pratiques de lecture ? Pourquoi s’infliger ça alors que le web peut servir des fichiers adaptés à la taille de l’écran, qu’un clic permet de télécharger en bonne qualité, dont on peut partager l’URL ?
Et si on passait vraiment au numérique ?
Vu l’omniprésence du PDF, on en oublierait presque que la réponse à toutes les limites auxquelles il se cogne obstinément existe déjà. Là, maintenant, sous vos yeux qui lisent et les nôtres qui écrivent.
Elle s’appelle le web.
Le web, c’est du numérique pur jus. Pas une contrefaçon du papier. Quelque soit le terminal que vous utilisez pour lire ce texte, il reste lisible, il s’adapte aux réglages de votre appareil, les tailles d’images s’adaptent, vous pouvez le partager facilement, en copiez-coller des parties, télécharger les images. De notre côté, on peut en modifier la forme et le contenu comme on veut.
Du web au papier, la voie est libre
Bon, avant d’aller plus loin dans les possibilités infinies du design d’études, répondons à toutes ces voix apeurées qui s’élèvent :
“Mais comment qu’on fait si on veut laisser les gens l’imprimeeeeer ?”
Car oui, cliquer sur le bouton imprimer de votre navigateur web est à vos risques et périls. Ça part en vrille, la mise en page bouge, les sauts de page sont hasardeux, ça ajoute automatiquement des métadonnées en en-tête et en pied-de-page” etc.
C’est vrai pour les fonctions d’impression natives des navigateurs. Mais il faut qu’on vous parle du web to print.
Utilisé par un nombre croissant de personnes et de structures comme le musée du Louvre , le projet paged.js permet de passer du web à une maquette hautement personnalisable et imprimable de livre imprimé, qui gère sauts de page, sommaire, imposition…
On peut donc faire avec la puissance fonctionnelle et formelle du web, proposer des expériences de lectures inédites, commodes, souples… tout en permettant la conversion PDF à tout moment pour imprimer, archiver, ou consulter facilement hors ligne. Pourquoi s’en priver ?
L’étude praticable
À quoi ressemble une étude qui utilise le web pour mobiliser des pratiques d’étude ? C’est ce qu’on s’est posé comme question quand le TMNlab est venu nous chercher pour réaliser, à l’origine, la mise en page PDF d’une étude.
Et on a répondu ça , un outil web qui leur permet de mettre eux-mêmes en “page” (enfin plutôt “en écran”) l’étude en question, et celles à venir. Pratique pour eux, donc, mais aussi pour les lecteurs et lectrices auxquels différentes fonctionnalités permettent non seulement de lire, mais “d’étudier l’étude” : de réaliser des parcours de lecture personnels grâce à un sommaire interactif, de mettre de côté des passages grâce aux signets, de réorganiser les parties de l’étude pour en exporter une version à destination de sa directrice, d’un élu…
Des graphiques sobres et partageables
Dans notre outil web, nous permettons de générer des visualisations de données à partir de fichiers CSV (un format ouvert, léger, simple, générable à partir d’Excel ou n’importe quel tableur). La mise en forme est ensuite automatique et légère : de simples carrés colorés sont générés en CSS (l’un des langages du web).
Résultat ?
C’est plus léger, ça s’adapte bien mieux aux différentes tailles d’écran et vous pouvez toujours télécharger les données brutes ou imprimer et exporter le graphique en JPG, en PNG. Bref à vous de voir !
Dans le cadre de notre projet de recherche Limites Numériques , on a même pris l’habitude de faire des datavisualisations en utilisant des glyphes et des émojis . Elles sont responsives, ultra-légères et copiables-collables comme n’importe quel texte.
Ouvrons les formes d’études
Les études sont des travaux cruciaux pour se tenir au courant de l’état d’un monde complexe, qui change rapidement, en crise et en danger de l’être bien davantage. Quantité de facteurs sont sans doute responsables de leur trop faible diffusion. La forme en est un.
Le PDF s’affiche sur écran et passe pour moderne mais il s’y affiche comme des feuilles de papier. Ce format ne convient pas. Lourd, impraticable, statique, bridé de toute part. En l’actualisant, en faisant vraiment avec les possibilités des technologies d’aujourd’hui, qu’elle soient web ou non, il est possible d’en imaginer des formes radicalement originales, variées et adaptées à un public et un contexte choisi.
Une étude sous forme de compte Instagram ; ou qui mélange formats 2D, 3D et animations comme le font si bien le New York Times et le Washington Post ; en reprenant l’interactivité du jeu-vidéo comme dans cette enquête sur l’industrie pétrolière. ou encore une étude dont vous êtes le héros comme nous l’avions expérimenté avec l’ADEME .
Les possibilités son infinies : plus praticables, plus légères, de meilleure qualité. Plus puissantes, commodes et plaisantes. Plus adaptées, enfin, au meilleur de ce que nous devenons à l’ère numérique : mobiles, vifs, archivistes, commentateurs, rapporteurs, critiques.
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