Praticable, la fin.
Praticable, la fin.
Praticable c’est fini.
Plus de 10 années se sont écoulées.
10 ans de projets, de design, de rencontres, d’interventions, d’écrits, de partages et d’idées.
D’une envie d’étudiants, jusqu’au studio de design,
d’un regroupement de designers indigné·es à la création d’une entreprise,
d’une entreprise traditionnelle à la coopérative à mission,
de Collectif Bam à Praticable.
C’est avec l’émotion naturelle d’un projet que nous avons vu grandir et qui nous a vu grandir, que nous vous annonçons aujourd’hui mettre fin au projet Praticable.
Fin au projet, mais, bien sûr, jamais aux principes que nous avons soutenus tout du long et qui perdureront, nous l’espérons, bien au delà. Ceux d’un design créateur de pratiques, dont les formes et les marges de manœuvre nous rendent capables tout autant qu’elles nous invitent à comprendre, transformer, faire et refaire le monde.
“Quand les objets, les services, les interfaces, les algorithmes font à notre place plutôt qu’avec nous ; qu’ils nous obligent à faire ; qu’ils automatisent ou nous automatisent ; c’est notre autonomie qui manque de s’exercer, de se ramollir. Et nous de nous endormir dans un monde qui requiert notre attention lucide.”
Extrait de notre manifeste
Mais pourquoi c’est fini ?
On ne va pas se mentir, il est surtout question que nos revenus de cette année ne suffisaient plus à maintenir l’entreprise et ses salariés dans de bonnes conditions. Nous le voyons autour de nous, la conjoncture économique semble compliquée pour les studios de design et plus largement.
2023 a été une année difficile pour nos clients (et donc pour nous), ressentant les effets d’un plan de relance post-covid arrivant à sa fin. Une pensée envers nos amis designers-entrepreneurs·euses que nous savons dans la même situation. Succès et chance pour celles et ceux qui tiennent le cap, tout en garantissant valeur et qualité dans leur travail.
Nous aurions pu continuer tout de même sur une autre forme mais nous avons décidé que nous avons été au bout de ce que nous voulions faire, de ce que nous voulions dire et démontrer. Si vous nous avez suivi un petit peu vous connaissez notre positionnement radical, notre vision construite d’années en années sur ce que peut ou pourrait être la forme des choses dans nos mains pour répondre aux enjeux sociaux et écologiques d’aujourd’hui. Vous connaissez nos critiques de la technique, nos recherches pour faire design et économie du design autrement.
Nous aurions pu essayer de pivoter, comme on dit dans le milieu ; se faire nous aussi racheter pour finir dilués, nous aussi, dans la masse d’un grand groupe de conseil 🙃 ; nous aurions pu prendre des projets “alimentaires” dans lesquels nos engagements auraient été dilués eux-aussi.
Mais en 10 ans d’existence, nous n’avons jamais fait ce choix là. Nous n’avons choisi de faire que ce que nous aimions faire, et que nous pensions possible de faire, et ce, de la manière la plus honnête et libre que possible.
Bien sûr il y a des compromis, des négociations, des erreurs, des galères et des insatisfactions comme dans tout projet. Mais nous avons toujours pris plaisir à pousser la réflexion un peu plus loin. Questionner le questionnable. Rendre questionnable l’inquestionné. Ce n’était pas entreprise tranquille, facile, et stable mais Praticable était ainsi et il valait le coup.
Nous ne savons même pas expliquer comment nous avons pu tenir aussi longtemps cette aventure incroyable. Nous avons eu essentiellement beaucoup de chance et espérons que d’autres auront la même.
Ému·es, nous sommes. Mais tristes, non.
Celles et ceux qui ont nous lu, vu, écouté,
celles et ceux avec qui nous avons échangé, travaillé autour de projets ou de workshops,
celles et ceux qui ont utilisé et pratiqué nos productions,
celles et ceux qui ont fait collectif avec nous,
toutes et tous emportent avec elles et eux la démonstration d’une recherche concrète et critique du design aujourd’hui. “Toujours second mais pas secondaire”.
Certains en feront quelque chose, d’autres non. Et ça nous suffit.
Merci.
Merci à tout le monde.
Merci à nos premiers clients qui ont eu le courage de laisser leur projet dans les mains de jeunes professionnel·les. Continuez, ils vous remercieront. Merci aux ami·es de la Fing, à Privowny…
Merci aux nombreux autres qui ont suivi et qui ont cru en notre philosophie, en notre manière de concevoir différemment et on le sait, parfois plus complexe, plus exigeante. Mais le monde n’est-il pas complexe ? Merci aux personnes derrière Food2Rue, Biocyle, Le Lab Banque de France, l’ANCT, Medias-Cité, La Faïencerie, The Camp, le Techshop, le TMNLab, l’IRI et bien d’autres.
Merci à celles et ceux qui nous ont inspiré ; aux philosophes, aux designers, aux associations et surtout aux ami·es et celles et ceux bien souvent qui le sont devenus ; à ceux qui ont partagé avec nous cette énergie et cette juste folie.
Les choses ont été bien plus faciles et agréables à transformer avec vous.
Pierre-Damien Huyghe, Design Commun (Nicolas, Sylvia, Gauthier, Timothée…), l’Atelier des chercheurs (Pauline, Louis), Où Sont les Dragons, Ouishare (Edwin, Clothilde, Victor, Taoufik, Sam…), Vraiment Vraiment, Noesya, TelesCoop, Le Mouton Numérique (Yaël, Irénée), Designers Ethiques (Karl, Mellie), Brigitte Borja, Annie Gentes, Paul Marchesseau, Denis Pansu, Nolwenn Maudet, Maud Benest. Bon on s’arrête là ça risque d’être long mais on pense fort à tous les autres.
Merci à nos compagnons et compagnonnes de route.
Adrien, Laurène, Léa, Alix, Timothée, Charlotte, Capucine, Geoffrey, Benjamin…
Nous avons eu la chance d’avoir des salariés formidables qui ont toujours soutenu avec nous cet engagement collectif. Merci pour votre travail, votre sincérité, votre énergie, votre justesse, votre écoute, votre patience, et surtout votre soutien. On vous aime.
Merci aux stagiaires et alternant·es, qu’on a choisi avec parcimonie pour pouvoir vous accueillir, on l’espère, au mieux. (Sauf pour Lucas qui a eu droit à l’arrivée et pot de départ en confinement…). Vous avez été d’une fraîcheur et d’une vivacité intellectuelle incroyable qui ont évidemment contribué à la nôtre.
Camille, Alix, Chloé, Thomas, Lucas, Angelina, Noémie et bien d’autres.
Merci à tous les autres qui ont fait un bout de chemin avec nous.
Et nous ?
Et là vous vous demandez, “mais qu’est ce qu’ils et elles vont devenir ?”
Car oui, un nom, une marque, un projet n’est finalement pas grand chose sans les personnes derrière. Les projets passent mais les gens restent. Et nous sommes toujours là, pour faire ce que nous faisons de mieux. Ailleurs, d’une autre manière, sur d’autres sujets et peut être avec vous ?
Thomas Thibault co-dirige aujourd’hui le projet de recherche en design et en informatique Limites Numériques pour penser un numérique s’inscrivant dans les limites planétaires. Un design d’interface qui rende intelligible son empreinte et permette d’en contrôler ses impacts. Il co-préside également l’association de réflexion critique des technologies le Mouton Numérique . Enfin il rejoint dans les prochains mois une certaine association qui réfléchit à l’éthique de la conception numérique 🧐🤫.
Anthony Ferretti
accompagne désormais en indépendant des projets numériques dont il guide ou conçoit le design d’interface (UX/UI).
Il poursuit bien évidemment cette recherche d’un design praticable et perceptible, avec la même exigence et justesse que ces 10 années passées à la direction du studio. Un travail qu’il partage et explore à travers enseignements et workshops dans les écoles de design et lieux de formation.
Morgane Chevalier poursuit sa route en tant que designer indépendante. Elle a rejoint l’équipe de l’Accélérateur des initiatives citoyennes au sein de la DINUM pour y faire du design stratégique et de l’accompagnement de projets. Elle poursuit également ses activités de design graphique et de design UX/UI, pour des clients dans l’éducation, la culture, et le service public. Enfin on peut parfois la croiser dans des écoles ou universités en train d’enseigner et d’organiser des workshops.
Mais aussi le reste de l’équipe qui a tant contribué :
Adrien Payet est développeur freelance et enseigne toujours la philosophie.
Alix Vignon est designer chez nos amis Où sont les Dragons .
Laurène Zyskind est designer et développeuse chez nos autres amis Vraiment Vraiment . Auprès de Lucas Poulain passé par là aussi.
Timothée Goguely conçoit des sites web avec soin , Charlotte Morel fabrique des trucs en bois de plus en plus grands, et Capucine Treffot vogue quelque part sur l’océan.
Et la suite ?
Parce que cette aventure a été spéciale, nous envisageons pour l’année qui vient, un travail d’archivage de ces 10 années, un travail de documentation de nos réflexions, de nos erreurs de nos enseignements. Peut-être seront-ils utiles. La forme est encore en réflexion. Peut être un livre, une série Netflix 🙂.
Et puis, l’ensemble de nos idées, design, écrits sont en licence libre, comme ça l’a toujours été. Partageables, remixables, réplicables, améliorables, praticables. Bref, n’hésitez pas.
💌
Si vous voulez nous laisser un message, un mot doux, une réflexion, une revendication, une envie pour la suite, un retour sur cette aventure, nous vous proposons de nous laisser un message à cette adresse :
D’abord nous serons extrêmement ravis de vous lire (peut-être qu’on laissera quelques uns de vos messages en fin de cette page), ensuite ils pourraient nous aider à raconter quelque chose dans ce prochain travail d’archivage.
Fêtons ça 🍻
Pour fêter ça, se retrouver, festoyer et refaire une nouvelle fois le monde,
nous vous proposons de boire un verre le 12 juin à Césure, 13 rue Santeuil dans le 5ème arrondissement de Paris à partir de 17h.
Amitiés, force et joie.
Thomas, Anthony, Morgane.